ALEX ~ well, go screw yourself!

BonPatron est notre ami.« Hey … Al … Mon amour? Il est temps d’ouvrir les yeux. » La voix est douce, apaisante, chaleureuse. Elle m’invite à ouvrir les yeux même quand tout ce que je veux c’est resté dans le noir. Je suis bien dans le noir même s’il fait un peu froid à la longue. J’ai toujours été plus dans mon élément dans cet endroit. Je suis une créature de nuit comme mon père aimait le dire. Il le disait avec un sourire et un rire alors que je me levais tard dans l’après-midi. J’aimais rire avec lui en disant que je devais sans aucun doute avoir été un vampire dans une autre vie. Il me rétorquait souvent qu’il valait mieux ça que d’avoir été une prostituée. Oui, mon père avait un drôle de sens de l’humour. Un peu glauque, mais très franchement étant pareil j’appréciais. C’est drôle quand je me dis que pendant des années, cet homme n’était rien d’autre que le meilleur ami de celui que je considérais comme mon père. IL était déjà particulièrement gentil avec moi. J’imagine qu’il le savait bien que j’étais sa fille. Ma mère l’avait supplié de ne rien dire. Égoïstement, elle pensait que son mari ne verrait jamais à quel point je ne lui ressemblais pas. J’avais les mêmes yeux verts que son meilleur ami… il aurait fallu être totalement aveugle ou stupide pour ne pas le voir. Il était assez souvent bourré… ça aide pour ne rien voir.

J’ai passé une grande partie de ma vie dans le noir pour plusieurs raisons. La première est parce qu’on m’avait menti sur mon affiliation, mais encore là, c’est le plus petit de mes problèmes. Le plus gros a sans doute été comment je me suis toujours senti mal dans ma peau. Mes parents n’étaient pas religieux en soient, mais ils ne supportaient pas pour autant toute déviance. C’est pourquoi je n’ai jamais réellement pu accepter la base de qui je suis étant adolescente. Je suis sorti avec des garçons parce que c’est ce que les filles font en général, mais je ne me suis jamais senti à l’aise avec aucun d’entre eux. Mon frère a toujours été le seul réel homme avec qui je ne me sentais pas nerveuse parce qu’il était bien le seul à ne pas s’attendre à quelque chose de moi. Mes parents s’attendaient à de bonnes notes, parce que j’étais bonne élève. Mes amis s’attendaient à ce que je suive le courant en allant à des fêtes et en sortant avec les garçons mignons du lycée… mais tout ça me rendait tout simplement malade. Alors j’ai trouvé une échappatoire. La lame qui glisse sur ma peau et la douleur physique est bien plus facile à contrôle que les émotions internes. Je l’ai fait durant des années sans que personne ne le réalise. Tout le monde était bien trop aveuglé par l’image parfaite et le sourire parfait que je leur offrais chaque jour. J’ai été poussé dans un moule qui ne me convenait pas du tout. Ça m’a tordu et détruit d’une manière que même encore aujourd’hui je ne suis pas complètement guérit.

La première fois que j’ai couchée avec un garçon, j’avais 16 ans… et ce fut une horreur, un désastre absolu. Je me suis senti malade du début à la fin, mais mon petit ami, lui, n’a rien vu. Il était bien trop heureux qu’on passe à l’étape suivante dans notre relation pour le voir. Quand mon frère est venu me voir plus tard, il savait que quelque chose n’allait pas, que je n’allais pas bien. « Lexie ? Lexie ? Pourquoi pleures-tu? Est-ce que Travis t’a faits du mal? Si c’est le cas, dis-le-moi et je vais lui faire sa fête à ce petit con. Personne ne blesse ma petite sœur. » Et je me souviens avoir pleuré encore plus fort alors qu’il me prenait dans ces bras pour me réconforter. Il m’a fallu un moment pour me reprendre, et encore là, les larmes coulaient sans retenue quand j’ai enfin été capable de lui parler. « Je… je voulais le faire Chuck… Je pensais qu’en le faisant ce que je ressens partirait… mais je le sens encore. Ça ne veut pas partir! » Quand je lève les yeux vers lui, il semble terriblement confus par mes mots. Il ne comprend pas et je ne sais pas comment lui expliquer ce que je ressens. « Je ne suis pas capable… je ne suis pas capable de l’aimer Chuck… Je ne suis pas capable de sentir de l’attirance pour Travis… et puis … j’ai vu sa sœur … Qu’est-ce qui ne va pas avec moi? Pourquoi je suis comme ça? »

Ce fut la première fois cette nuit-là que j’ai parlé de ce qui me rongeait de l’intérieur depuis si longtemps. Mon frère n’en a pas fait grand cas. Je crois qu’il était sous le choc au début, mais il m’a dit que j’étais toujours sa petite sœur énervante et trop brillante pour son propre bien. J’ai compris plus tard que ce que je ressentais n’était pas mauvais ou mal, même si mes parents pensaient le contraire. Je découvrais juste que j’étais lesbienne. C’est troublant, déconcertant, mais pas mauvais. Aujourd’hui quand je regarde les marques blanches qui restent sur mon corps comme souvenir de cette époque, je me dis que je n’avais rien à être dégoûté, mais que j’ai laissé quelque chose sur mon corps pour l’être. Il m’a fallu de longues années pour me sentir à l’aise avec mon propre corps même si j’avais finalement pu ouvertement faire part de ma préférence pour les femmes. Mes parents… ils m’ont juste fichu à la porte comme si je ne voulais rien dire. Ça fait mal pour le cœur d’un enfant. Mais mon vrai père est venu pour moi. Il est venu pour m’amener loin d’eux et surtout, il m’a offert son soutien ainsi que son amour inconditionnel sans aucun jugement. Il me manque tellement aujourd’hui. Il a changé ma vie pour le mieux. Je suis heureusement maintenant et je lui dois plus qu’à ceux qui m’ont élevé.

J’ai passé quelques années en Irlande après, puis en France. Il m’a offert un vieil appareil photo que je chéris encore aujourd’hui comme premier cadeau. Il m’a donné une passion de plus que celle que j’avais déjà pour le dessin et aujourd’hui je suis devenu photographe assez connu. Il m’a poussé à aller étudier en France et j’ai pu y rencontrer celle que je considère l’amour de ma vie, ma Emma. « Mon amour, ouvre les yeux. » Je souris en ouvrant finalement les yeux. Le soleil du matin est éclatant dehors. Elle se trouve devant moi, appuyée sur ces coudes avec des airs d’anges. Très franchement, je suis certaine qu’elle est réellement un ange dans le fond. Elle est si douce, si étonnante que ça ne peut pas être humain. Je sens ses doigts sur mon visage et mon sourire devient plus large. « On doit se lever. » Je gémis. « On ne peut pas rester ici pour toujours. Ça se sent comme le paradis. » Elle rit, puis se penche pour venir m’embrasser. « J’aimerais bien aussi, mais c’est toi qui à insister pour aller manger avec ton frère et sa femme. » Chuck et Meredith… j’ai toujours adoré mon grand frère même si dernièrement je suis plutôt en colère contre lui. Je l’ai aidé à venir s’établir ici pour fuir son ancienne vie, mais ça ne veut pas dire pour autant que j’approuve ce qu’ils ont fait. Il est ma seule famille, je vais donc toujours tout faire pour lui venir en aide… au grand malheur d’Emma qui a peur que je finisse en prison pour les avoir aider. Mais elle comprend mon désir de lui venir en aide malgré tout. « Je t’aime… » Elle sourit les yeux lumineux de bonheur. « Comme je t’aime mon amour. Maintenant, debout! » Avec un dernier baisé rapide, elle saute hors du lit pour quitter notre chambre. Sans doute elle va aller préparer un pot de café. Je soupire et m’assis dans le lit. Larco, notre chien, lève la tête et me regarde longuement. J’ai vraiment l’impression qu’il se moque de moi. « Oui je sais mon vieux. Je croise les doigts pour que toutes ses histoires ne nous retombent pas dessus. Aller viens, c’est le temps de manger. » Dès que le mot manger sort de ma bouche, il bondit sur ses pattes avec enthousiasme et nous sortons ensemble de la chambre. Je ne sais pas ce qui m’attend, mais une chose est certaine. Je ne laisserai pas ce que j’ai entre les mains m’échapper. Je suis trop heureuse aujourd’hui pour tout perdre.